On sait qu'en application de l’article 35 de la loi du 9 juillet 1991 devenu l’article L.131-3 du code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir.
Mais cela veut-il dire que le juge d'appel doit se considérer comme incompétent pour liquider une astreinte prononcée par une juridiction inférieure qui s'est réservée ce pouvoir et/ou pour fixer une astreinte définitive ?
Jusqu'à présent, la jurisprudence des cours d'appel était diverse et la doctrine quasi inexistante. Dans un arrêt du 21 décembre 2006 (n° 04-46451), la chambre sociale de la Cour de cassation avait résolu une seconde question (assez proche) en jugeant que le juge des référés ne pouvait pas liquider l'astreinte prononcée par un bureau de jugement prud'homal qui restait "seul habilité à le faire". La solution avait encore accrue la perplexité de ceux qui tentaient de répondre à la 1ère question.
Enfin, un arrêt de rejet du 20 octobre 2015 (cass soc n° 14-10725 PB) fourni une solution pragmatique et claire qui ne peut être qu'approuvée :
"Mais attendu que, saisie de l’appel du jugement du conseil de prud’hommes devant lequel le salarié avait, conformément à la réserve expresse de l’ordonnance du bureau de conciliation, formé une demande de liquidation de l’astreinte, la cour d’appel n’a fait qu’exercer les pouvoirs qu’elle tenait de l’effet dévolutif de l’appel".
L'affaire avait commencé par une ordonnance du bureau de conciliation (BC) du CPH de Bordeaux du 22 octobre 2010 qui ordonnait la remise de divers documents sociaux de rupture à un salarié sous astreinte de 100 € par jour de retard tout en se réservant le pouvoir de la liquider (rappelons que les ordonnance du BC sont insusceptibles d'appel indépendamment du jugement, sous la réserve de l'appel nullité).
Saisie de l'affaire sur appel du salarié contre le jugement ultérieur qui l'avait débouté de ses différentes demandes dont celle tendant à la liquidation de l'astreinte prise en BC, la Cour d'appel de Bordeaux constatait que l'employeur ne s'était toujours pas exécuté des obligations fixées par l'ordonnance et le condamnait, notamment, à verser au salarié une somme de 10 000 € au titre de la liquidation de l'astreinte sur une période commençant à courir de la date fixée par le BC jusqu'à l'arrêt d'appel.
On pourrait s'étonner que la Cour d'appel n'ait pas neutralisée l'astreinte entre le jugement et son arrêt, mais il sera rappelé qu'un jugement de "débouté", non frappé d'exécution provisoire (comme en l'espèce), ne met pas fin aux obligations prononcées par une ordonnance de conciliation laquelle reste exécutoire de plein droit tant qu'une décision définitive au fond n'est pas intervenue pour l'anéantir ou pour en prendre le relais (il en serait de même d'une ordonnance de référé).