9 avril 2014

L'on sait que l’employeur ne peut laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence d'au moins 30 jours pour cause d’accident du travail ou de maladie (ce délai était de 8 jours pour les AT et 21 jours pour les maladie avant la loi du 30 janvier 2012), sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son emploi.

À défaut, l’employeur commet un manquement grave à ses obligations, qui, à lui seul, justifie le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ou la prise d'acte de la rupture du contrat par le salarié (cass soc 06 octobre 2010 n° 09-66140 PB, 15 février 2011 n° 09-43172 PB et 22 septembre 2011 n° 10-13568).

Dans un arrêt de rejet du 26 mars 2014 n° 12-35040 PB la Cour de cassation semble revenir en partie sur sa jurisprudence à l'occasion d'une affaire où le salarié avait travaillé plusieurs mois sans avoir passé une visite médicale de reprise obligatoire avant de former une demande de résiliation judiciaire.

En l'espèce, l'arrêt relève que l’absence de visite médicale de reprise procédait d’une erreur des services administratifs et la chambre sociale de valider l'analyse de la Cour d'appel selon laquelle l'absence de visite médicale de reprise "n'avait pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant plusieurs mois". 

Il semble donc que dans un tel cas, l'action en résiliation judiciaire du salarié doit être engagée dans un bref délai pour espérer être saluée de succès, mais surtout, il apparaît que le manquement de l'employeur ne sera pas considéré comme suffisamment grave s'il permet néanmoins la poursuite du contrat de travail.

Notons d'ailleurs que dans un arrêt du même jour, la Cour de cassation a également rejeté le pourvoi d'un salarié ayant pris acte de la rupture du contrat pour un motif similaire en jugeant que "la cour d’’appel qui a retenu que les manquements de l’’employeur étaient pour la plupart anciens, faisant ainsi ressortir qu’’ils n’’avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail, a légalement justifié sa décision" (cass soc 26 mars 2014 n° 12-23634 PB).

Il semble encore ici que le manque de célérité du salarié est  sanctionné, mais c'est essentiellement que le temps écoulé qui aurait démontré que le contrat pouvait se poursuivre.

Ainsi, l'absence de visite médicale de reprise (ou d'embauche ou périodique) ne serait une cause de rupture du contrat aux torts de l'employeur qu'à la condition qu'elle ne permettrait pas au salarié de poursuivre l'exécution du contrat, lequel aurait donc intérêt à prendre acte de la rupture ou à saisir le Conseil de prud'hommes en résiliation judiciaire très rapidement.

En quelque sorte, nos hauts magistrats permettent à l'employeur de se faire juge lui-même de l'aptitude du salarié qui, comme chacun sait, est toujours "libre" de ses choix, raison pour laquelle il serait fautif de trop attendre pour obtenir justice. Le temps passant serait alors gage de l'aptitude de l'employé courageux.

L'on conseillera donc au salarié de solliciter de l'employeur l'organisation d'une visite médicale de reprise chaque fois que cela est nécessaire et de ne pas reprendre le travail tant qu'il n'a pas passé ladite visite, à charge, pour l'employeur, de l'indemniser des salaires perdus jusqu'au jour de la prise d'acte ou de la résiliation judiciaire.

Mais cette position nouvelle de la Cour de cassation pourrait cependant vaciller dès qu'un salarié sera victime d'un accident du travail en raison d'une inaptitude qui aurait été décelée à l'occasion d'une visite médicale obligatoire omise par l'employeur.

7 avril 2014

Un délégué syndical également conseiller prud'hommes, conclut une rupture conventionnelle avec son employeur le 9 juin 2009. Celle-ci est autorisée par l'inspection du travail le 1er septembre 2009 et notifiée aux parties 3 septembre.

Dès le 4 septembre 2009 une transaction est conclue selon laquelle le salarié renonce à toutes actions et prétentions au titre de la rupture de son contrat de travail en contrepartie du versement d'une indemnité (ainsi le salarié renonçait notamment aux recours gracieux, hiérarchique et contentieux devant le Tribunal Administratif).

Par cet arrêt de cassation du 26 mars 2014 (n° 12-21136 PB), la Cour de cassation précise, sur un premier moyen relevé d'office, qu'une transaction ne peut être conclue qu'après homologation de la rupture conventionnelle par l'inspecteur du travail et qu'elle ne peut porter que sur un différent relatif à l'exécution du contrat de travail (sur des éléments non compris dans la convention de rupture) et aucunement sur la rupture elle-même. A défaut la transaction est entachée de nullité et le juge doit le déduire d'office.

D'ailleurs la haute Cour casse l'arrêt d'appel sans renvoi devant une autre juridiction d'appel en décidant elle-même d'annuler la transaction litigieuse.

La Cour indique également, sur 2ème moyen relevé d'office moins surprenant, que le juge judiciaire ne peut pas, en état de l'autorisation administrative de pouvoir procéder à la rupture par la voie d'une rupture conventionnelle, apprécier la validité de la rupture, y compris lorsque la contestation porte sur la validité du consentement du salarié.

Sur ce point la Cour de cassation ne prévoit pas non plus de renvoyer l'affaire vers une autre Cour d'appel en invitant simplement les parties (en fait le seul salarié), à mieux se pourvoir (sous entendu devant l'ordre administratif).

Cette décision laisse songeur, car si le salarié sollicitait la nullité de la transaction qui lui faisait interdiction de contester la rupture du contrat en contrepartie du versement d'une indemnité devant le juge judiciaire c'était pour pouvoir remettre en cause la validité de la rupture elle-même (on peut en effet estimer que la voie administrative lui était fermée à défaut d'avoir exercé un recours dans le délai de 2 mois, d'autant que ce recours lui était certainement fermé par la transaction).

Or, suite à cet arrêt de cassation, le salarié se retrouve devant une transaction nulle avec l'obligation d'avoir à rembourser à son employeur l'indemnité transactionnelle reçue (sans pouvoir à nouveau saisir le Conseil de prud'homme) et devant à l'impossibilité d'obtenir l'annulation de l'autorisation administrative de procéder à une rupture conventionnelle, sauf à considérer qu'un nouveau délai de contestation devant l'ordre administratif recommencerait à courir à compter de la notification de l'arrêt de cassation.

22 mars 2014

Cour de cassationL'indemnité forfaitaire égale aux salaires jusqu'à la fin de la protection est toujours due si la rupture est imputable à l'employeur

L'arrêt du cassation partielle du 12 mars 2014 (n°12-20108 PB reproduit en annexe) réaffirme un principe bien connu, mais l'espèce était assez particulière.
 
En application de l'art. L 2411-5 CT, le licenciement d'un délégué du personnel avait été autorisé par l'inspecteur du travail le 31 janvier 2005, mais le salarié parvenait à prendre l'employeur de vitesse en lui adressant une prise acte dès le 7 mars 2005, juste avant d'être licencié le 12 mars 2005.

Par un arrêt du  28 mars 2012 la Cour d'appel de Versailles déboutait le salarié de sa demande au titre de la violation du statut protecteur (le salarié réclamait plus de 156 000 €), alors qu'elle reconnaissait que la rupture du contrat de travail était imputable à l’employeur en raison, notamment, de faits de harcèlement moral et de menaces de mort réitérées ayant fait l’objet de condamnations pénales, et que la prise d'acte produisait les effets d’un licenciement nul (le salarié n'obtenait alors que les indemnités de licenciement légales et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de six mois de salaire).

À l'occasion de cet arrêt du 12 mars 2014 la haute Cour rappelle que la violation du statut protecteur ouvre droit à une indemnité forfaitaire égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu’à la fin de la période de protection en cours et ce au visa de l'art. L 2411-5 CT, de sorte qu'elle juge implicitement que l'autorisation de licenciement que l'employeur avait obtenu le 31 janvier 2005 était caduque dès l'instant où le salarié avait eu la présence d'esprit de prendre acte de la rupture avant que l'employeur ne le licencie.

17 mars 2014

La loi n°2014-288 du 5 mars 2014 instaure, notamment, un nouvel entretien professionnel obligatoire en faveur des salariés. A l'occasion de son embauche, le salarié devra être informé qu'il bénéficiera tous les deux ans d'un entretien professionnel « consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi ». Cet entretien n’a pas le même objet que l’entretien d’évaluation puisqu’il « ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié » (nouvel article L. 6315-1 CT) et ne se substitue pas non plus à l’entretien annuel pour les salariés en « forfait jours », mais il remplace en revanche l’entretien de seconde partie de carrière prévu jusqu’alors pour les salariés de 45 ans.

Ce nouvel entretien professionnel, qui a lieu tous les deux ans, doit également être proposé au salarié qui reprend son activité à l'issue de certains congés (congé de maternité ou d'adoption, congé parental, etc.), d'un arrêt longue maladie ou à l'issue d'un mandat syndical et être formalisé par un document remis au salarié.

De plus, tous les six ans l'employeur doit désormais procéder à un récapitulatif du parcours professionnel du salarié et dans les entreprises d'au moins 50 salariés, s’il s’avère à l'occasion de ce bilan que l’intéressé n'a pas bénéficié des entretiens professionnels tous les deux ans, ainsi que de deux des trois mesures visées par le texte (1° action de formation, 2° progression salariale ou professionnelle, 3° acquisition d'éléments de certification de la formation ou validation des acquis de l'expérience), le compte professionnel de formation du salarié sera crédité de 100 heures et l'employeur devra verser une somme correspondante à l'OPCA.

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8 mars 2014

Le juge des référés veille

On sait que le juge référiste a le pouvoir de décider de la nullité d’un licenciement pris en violation d’une protection exorbitante du droit commun. Notamment :

Cass soc 29 octobre 1998 n° 96-42863

et

CA VERSAILLES 6ème – référé -  07 mars 2006 n° 05/02089

On sait aussi que « le salarié protégé ne peut être licencié au terme de son mandat en raison de faits commis pendant la période de protection qui auraient du être soumis à l'inspecteur du travail ».

Cass soc 27 juin 2007 n°  06-40399, 23 novembre 2004 n° 01-46234 et 08 juin 2011 n° 10-11933 et 10-13663 PB + publié sur le site de la Cour

On sait encore que le respect de la procédure protectrice de licenciement d’un élu ou d'un mandaté s’impose lorsque le salarié bénéficie de cette protection à la date d’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable.

Cass soc 18 novembre 2009 n° 08-43451

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15 mars 2014
Dans un arrêt du 19 janvier 2011, la 17ème chambre de la Cour d’appel de VERSAILLES avait jugé que le licenciement pour insuffisance professionnelle d’une salariée ayant repris son emploi après 03 congés parentaux successifs, sans qu’elle ait bénéficié d’une action de formation professionnelle comme prévu à l’art. L 1225-59 CT et plus largement en violation "au droit fondamental à la formation de tout salarié" était illicite et donc nul (voir notre brève du 03 mai 2011).
 
Par un arrêt de cassation du 05 mars 2014 (n° 11-14426 PB), la chambre sociale censure une telle approche en rappelant que "le juge ne peut, en l’absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d’une liberté fondamentale, annuler un licenciement" et en estimant que "la méconnaissance par l’employeur du droit du salarié à une action de formation professionnelle prévu par l’article L. 1225-59 du code du travail ne caractérise pas la violation d’une liberté fondamentale".
 

Restera au défenseur de la salariée de rechercher un nouveau moyen de nullité devant la Cour d'appel de renvoi. La discrimination sexiste indirecte fondée sur 03 maternités de suite pourrait bien être la solution.

6 mars 2014

En application de l’article L. 1237-11 CT, la validité de la rupture conventionnelle du contrat de travail suppose le libre consentement des parties, dont l’autorité administrative devrait s’assurer dans le cadre de la procédure d’homologation.

Et il résulte de ce même texte que la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.

La rupture conventionnelle, qui se veut un contrat de rupture, est donc soumise aux dispositions des art. 1108 et suivants CC et peut être annulée si le consentement de l’une des partie est affecté d’un vice.

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