Même si cela peut choquer dans un pays qui a, en principe, aboli les privilège seigneuriaux, un employeur est toujours en droit de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre d'un salarié.
Depuis 1982 (loi Auroux - art. L 1331-1 CT) le code du travail fixe un cadre à ce pouvoir disciplinaire : "constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération".
On considère généralement que la palette des sanctions disponibles va du blâme au licenciement disciplinaire, en passant par l'avertissement, la mise à pied disciplinaire et la rétrogradation.
Très créatifs, certains employeurs utiles d'autres types de punitions comme : l'amende (pourtant prohibée), la privation de congés (formellement interdite également), la flagellation (tombée en désuétude), le "piquet" autrement appelée "mise au placard" (très en vogue, même si particulièrement illicite).
Le "rappel à l'ordre" est aussi utilisé, comme la "demande d'explications", mais généralement les employeurs prétendent qu'il ne s'agit pas de sanctions disciplinaires.
Or, la qualification de "sanction disciplinaire" est un enjeux est de taille car un même fait ne peut être sanctionné deux fois.
En effet, il arrive quelques fois qu'un employeur sanctionne un fait considéré par lui comme fautif par une première sanction (comme un avertissement), puis qu'il se ravise et finalement prononce un licenciement. De fait l'employeur sanctionne alors deux fois le salarié pour le même fait, de sorte que le licenciement est de facto sans cause réelle et sérieuse (prohibition dite de la "double sanction" ou "non bis in idem" en latin.
La règle « non bis in idem » (ou « ne bis in idem ») est un principe classique de la procédure pénale (art. 368 CPP - 6 et 113-9 CP), déjà connu du droit romain et canon, d'après lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits. La règle est aussi très classique en droit international.
Dans le cas qui nous occupe, un salarié de La Poste avait été convoqué à un entretien préalable à licenciement pour avoir prétendument manqué à différentes règles de procédure en vigueur au sein du service. Puis il faisait l'objet d'une demande d'explication écrite de la part de l'employeur.
La réglementation interne de l'entreprise prévoit que le salarié concerné doit, par écrit, "répondre seul et immédiatement aux questions qui lui sont posées" et que "tout refus de s'exécuter intervenant après une mise en demeure constitue un grief supplémentaire et pourrait à lui seul justifier une sanction". Un procès-verbal, consignant les demandes de l'employeur et les réponses du salarié est en outre versé au dossier individuel de celui-ci.
Finalement licencié pour faute grave, le salarié estime avoir été sanctionné deux fois pour les mêmes faits, la demande d'explications écrites n'étant à ses yeux pas une simple mesure d'instruction préalable au licenciement mais bien une sanction à part entière.
Débouté en appel, le salarié formait un pourvoi.
Par un arrêt de cassation du 19 mai 2015 (n° 13-26916 PB), la haute Cour fait droit à la thèse du salarié en rappelant d'abord "qu'en vertu de la règle non bis in idem, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait et que constitue une sanction, toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération".
En second lieu la chambre sociale juge que "constitue une telle sanction la demande d'explications écrites mise en oeuvre à la suite de faits considérés comme fautifs par l'employeur et donnant lieu à établissement de documents écrits conservés au dossier du salarié".