Dans le cadre d’un contrat d’objectifs, la cour d’appel de Versailles a obtenu de nouveaux effectifs. En contrepartie, elle s’engage à réduire ses délais de traitement des dossiers. Explications de Dominique Lottin, première présidente de cette juridiction.
La rédaction : Pour la première fois, la cour d’appel de Versailles a signé un contrat d’objectifs avec le ministère de la justice. Pourquoi était-ce nécessaire ?
Dominique Lottin : Ce contrat était une urgence. Nous avions des collègues en difficulté. Plusieurs magistrats ont connu un burn-out en 2013-2014. Compte tenu du tissu économique, le contentieux social et commercial est l’une des priorités de notre juridiction. Ces trois dernières années, le stock des dossiers des chambres sociales a augmenté de 25 à 30 %. Et mon prédécesseur avait dû fermer une chambre commerciale pendant plus d’un an, d’où un accroissement du stock pour ce contentieux également. Ainsi, dans les domaines du social et du commercial, le délai de traitement est de plus de dix-huit mois. Ce n’est pas satisfaisant. Nous sommes complètement en décalage avec le monde économique et social. Cette situation était liée à un sous-effectif des magistrats et fonctionnaires de cette cour.
La rédaction : Vous vous êtes battue pour que ce contrat d’objectifs voie le jour ? Dominique Lottin : Oui. Il a fallu des réunions ici, au ministère... L’obtenir, c’est un succès. Maintenant, il faut qu’il soit appliqué.
La rédaction : Quels moyens supplémentaires la cour d’appel de Versailles a-t-elle reçus pour le traitement du contentieux social et commercial ?
Dominique Lottin : Grâce à la présence, depuis septembre 2015, de quatre magistrats supplémentaires, nous avons pu ouvrir une nouvelle chambre sociale et consolider la chambre commerciale supprimée par le passé et rouverte en janvier. Nous avons eu également quatre greffiers classiques et trois greffiers assistants de magistrats (GAM) supplémentaires.
La rédaction : Est-ce suffisant ?
Dominique Lottin : Non. D’autant plus qu’à la suite de projets de mouvements de magistrats, la cour risque d’avoir un conseiller de moins par rapport à la situation actuelle, en raison de deux départs. Compte tenu, sur le plan national, d’un nombre insuffisant d’effectifs dans l’ensemble des juridictions, il est difficile pour la direction des services judiciaires de compenser les départs de la cour d’appel de Versailles et de donner des moyens supplémentaires à la hauteur des engagements pris. C’est tout à fait regrettable pour la résorption des stocks dans les chambres sociales et commerciales de la cour.
La rédaction : En contrepartie de ces nouveaux effectifs, quels engagements a pris la cour d’appel de Versailles ?
Dominique Lottin : L’objectif est de parvenir, fin décembre 2016, à un délai de traitement de dix mois maximum entre l’appel et l’arrêt pour les affaires de sécurité sociale. Sur le contentieux de l’urgence en droit social, il faudra maintenir un délai de six mois, alors que l’on était en train de dériver vers un peu plus.
Concernant le contentieux prud’homal, la situation devra être stabilisée jusque fin décembre 2016. Et si les effectifs sont maintenus, on pourra alors, à partir de janvier 2017, s’attaquer au stock pour parvenir, au minimum en cinq ans, à dix mois de délai de traitement. Enfin, pour le domaine commercial, l’idée serait de revenir à dix-douze mois de délai de traitement.
La rédaction : Pour tenter d’y parvenir, vous avez mis en place depuis début octobre une procédure de mise en état devant les chambres sociales. Expliquez-nous.
Dominique Lottin : Nous anticipons ce qui va être mis en œuvre dans le cadre de la loi Macron. Avec une procédure orale, sans mise en état, le travail est en dents de scie. Toutes les affaires arrivent en audience et, jusqu’à la dernière minute, des conclusions peuvent être déposées, entraînant des renvois. Parfois, toutes les affaires sont retenues, parfois il n’y a que des renvois. Fin septembre, le taux de renvoi était de 33 %. Cela crée une grande désorganisation du service.
La rédaction : Que prévoit cette procédure de mise en état ?
Dominique Lottin : Des délais et des sanctions sont fixés. Au bout de sept mois, toutes les affaires seront envoyées à une audience de mise en état. Pendant ce délai, l’appelant devra conclure dans les six mois, sinon il y aura radiation ou constat que l’appel est non soutenu si l’intimé le demande. Dans le même temps, nous pensons renvoyer la moitié des affaires en médiation. Si les parties ne viennent pas à la réunion d’information sur la médiation, il sera possible de radier l’affaire. Entre 10 et 15 % des dossiers pourraient donner lieu à une médiation.
Les audiences de mise en état seront prises par un conseiller et moi-même. Il y en aura une toutes les semaines à partir d’avril 2016. Les dossiers seront distribués entre les différentes chambres et il sera demandé à l’intimé de conclure dans les six mois. Pour l’instant, l’absence de conclusion de l’intimé ne sera pas sanctionnée. En conséquence, à l’audience de plaidoiries, le nombre de dossiers sera inférieur et les renvois, en principe, ne seront pas acceptés. L’affaire sera plaidée ou radiée.
La rédaction : Un projet de décret d’application de la loi « Macron » acte la représentation obligatoire en appel en matière prud’homale (V. Dalloz actualité, 9 oct. 2015, F. Mehrez https://www-dalloz--actualite-fr.budistant.univ-orleans.fr/flash/prud-hommes-representation-devient-obligatoire-en-appel). C’est une bonne chose ?
Dominique Lottin : Oui, c’était indispensable. La procédure permettra de suivre les affaires de manière beaucoup plus rigoureuse et de ne pas avoir de recours successifs qui sont parfois dilatoires.
La rédaction : La procédure de mise en état que vous venez de mettre en place changera-t-elle lorsque ce décret sera publié ?
Dominique Lottin : Non, nous ne changerons pas notre schéma. Mais à partir du moment où il s’agira d’une procédure avec représentation obligatoire, nous pourrons donner des injonctions de conclure et rendre des ordonnances de clôture. Ainsi, celui qui n’aura pas conclu avant l’ordonnance, en principe, sera forclos pour le faire. Avec le décret Macron, ce sera la fin de l’oralité.
La rédaction : D’autres changements vont permettre d’accélérer les délais ?
Dominique Lottin : Par le passé, les affaires de sécurité sociale n’étaient traitées que par une demi-chambre de la cour d’appel de Versailles. Eu égard au nombre de dossiers nouveaux, cela ne suffisait pas. Désormais, deux chambres à mi-temps traitent exclusivement ces dossiers. De plus, cet été, des trames d’arrêts ont été créées. Aux audiences, les affaires sont regroupées par type de contentieux. Cela permettra de gagner du temps et ainsi de rendre plus d’arrêts.