Il n'est pas rare que l'employeur, qui n'a pas fait passer les visites médicales obligatoires invoque, pour échapper au paiement de dommages et intérêts au profit d'un salarié, l'impossibilité d'obtenir des rendez-vous auprès des services de santé au travail et que des juges compatissants le suivent en estimant qu'il n'a commis aucune faute ou que le salarié ne justifie d'aucun préjudice.
En effet, il arrive fréquemment que les services de médecine du travail encombrés n'arrivent pas à faire passer l'ensemble des visites médicales obligatoires et il n'est pas toujours possible pour un salarié de prouver un préjudice actuel (sauf par exemple lorsqu'il a été victime d'un accident du travail).
Un conducteur embauché pour effectuer des livraisons pour le compte de la société Carrefour demandait en justice des dommages-intérêts en raison du préjudice subi du fait de l’absence de visites médicales d’embauche et de visites médicales périodiques.
L’employeur se défendait en avançant l’incurie des services de santé de travail et ce alors qu'il leurs avait adressé des lettres pour demander des rendez-vous pour ses salariés. La cour d’appel de Paris acceptait les arguments de l’employeur et retenait que le salarié n’avait pas sollicité d’examen par la médecine du travail (comme le lui permet l'art. R 4624-17 CT) et qu'il n’avait pas non plus démontré un quelconque préjudice.
Par un arrêt du cassation partielle du 09 décembre 2015 (n° 14-20377), la Cour de cassation censure la position des juges du fond en rappelant que : " L’employeur tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise doit en assurer l’effectivité " et en indiquant que : " les manquements de l‘employeur quant à la visite d’embauche et la surveillance médicale périodique auprès de la médecin du travail cause nécessairement un préjudice au salarié ".
Les employeurs confrontés à de telles situations pourraient considérer la solution comme injuste, mais ils leur sera indiqué qu'ils ont toujours la faculté de se retourner contre le service de santé au travail afin d'obtenir le remboursement des dommages et intérêts versés au salarié (action récursoire) ou pour demander le remboursement des cotisations versées à ces organismes (cass civ-1 19 décembre 2013 n° 12-25056 PB), ou même en appelant le service de santé en garantie devant le Conseil de prud'hommes.
PS : Notons aussi la cassation partielle au visa de l'art. 6321-1 CT : " l’obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi relève de l’initiative de l’employeur ".